Le Kamtchatka se présente souvent dans l’imaginaire d’un voyageur comme la terre des ours et des volcans. Les volcans, comme les ours, sont bien présents, mais la Nature peut créer bien d’obstacles pour ceux qui souhaitent les voir : certains jours, les volcans sont pris dans un brouillard épais et là, même les volcanologues chevronnés patientent. Parmi les volcans du Kamtchatka, le volcan Moutnovsky est parmi ceux qu’il faut voir absolument. L’ascension au sommet du volcan Moutnovsky se mérite parfois, mais peut être tout à fait accessible à tout le monde. C’est un vrai laboratoire en plein air, comparable à la Vallée des Geysers.
Haut de 2 323 m, à environ 70 km de Petropavlovsk, le volcan Moutnovsky compte 4 stratovolcans et se caractérise par une intense activité géothermique. La partie accessible est de type « Somma-Vésuve ». Les parois du cratère (250 m) sont abruptes. Il présente une activité importante avec des marmites de boue, des fumerolles, des plateaux de soufre et de l’eau bouillante. Le paradis des volcanologues du Kamtchatka.
Il faut au moins 3 heures en 4×4 et un peu plus en 6×6 pour « approcher » le volcan Moutnovsky…
par une route abominable et cabossée, en serpentin, pour franchir la crête et descendre dans la vallée du volcan. Et ce n’est pas encore gagné ! Rien que l’entrée sur cette fameuse route, ça promet…
Le plateau du volcan Moutnovsky est composé de dénivelés et de ravins remplis de neige dont la profondeur peut atteindre plus de 15 mètres en hiver. Au printemps, tout commence à fondre au Kamtchatka : l’eau des glaciers dévale les pentes et se précipite aux pieds des volcans, créant des rivières qui brisent le manteau neigeux, formant des crevasses, des cavités appelées souvent des « grottes » de glace et de neige et parfois même des lacs cachés par leur couvercle de neige.
Si les 6×6 sont des engins extrêmement puissants, ils sont aussi plus lourds. Le risque est donc de s’embourber, ou comme disent les Russes, de «s’asseoir », de plonger ou de se faire emporter par son propre poids. Il y a bien sûr des astuces comme baisser la pression dans les pneus, embarquer avec soi un tronc d’arbre ou encore un moyen moins connu, à savoir une couverture. J’ai vu un jour en Tchoukotka, des chauffeurs à l’œuvre mettre des couvertures sous les roues quand nous étions coincés dans la neige en pleine nuit à bord d’un 6×6 dont les roues tournaient en vain et ne faisaient plus que polir les parois des cavités dans la neige.
L’autre moyen d’accéder au Moutnovsky, ce sont les 4×4, plus légers, mais parfois trop légers puisque glissant en arrière dans les montées. Il vaut donc mieux par sécurité y aller « en caravane » de 2-3 véhicules. Si la vallée est difficilement franchissable, il y a tout de même un moyen d’approcher le volcan à partir de la Station Géothermale du Kamtchatka située au nord-est du volcan à 116 km de Petropavlovsk dont la route est entretenue pendant tout hiver et représente un vrai tunnel dans la neige.
Seulement l’ascension sera longue et difficile parce qu’il faudra marcher dans la neige pendant des heures. Je l’ai fait en juin, il y a plus de 15 ans pendant le tout premier voyage de repérage au Kamtchatka. L’hiver passé avait été rude, l’été avait du mal à démarrer et la neige était encore partout. Nous sommes partis très tôt ; nous observions le soleil se lever et peindre la neige en rose. Mal équipée à l’époque, j’ai souffert du froid. Au retour, presque dans la nuit, les cinq « courageux » que nous étions, nous nous sommes laissé faire… Avachis sur des canapés défoncés dans les anciennes cabanes des ouvriers qui n’existent certainement plus, morts de fatigue mais terriblement fiers de nous, nous buvions sagement de la vodka au poivre et tendions nos pieds gelés à notre cuisinière qui les frottaient avec la même mixture. Le trajet au Moutnovsky l’année d’après, bien préparé et avec d’autres conditions, m’a paru semblable au tapis rouge à Cannes !
Comme pendant n’importe quelle ascension, il faut regarder de temps à autre en arrière : les vues sont superbes et changeantes. Mais aussi autour de vous, des marmottes sont nombreuses et amusantes.
Ce qui impressionne, ce sont les couleurs des pierres et de la glace. Un seul rayon du soleil vous fait croire dans la caverne d’Ali-Baba.
A l’arrivée sur le premier plateau de fumeroles on est vite envahis par une fumée blanche, assez épaisse. L’odeur du souffre est très intense et parfois pique le nez, les yeux et la gorge. Les couleurs dominantes sont jaune, terra cota et blanc. Dans cet environnement hostile et sauvage, ne vous approchez pas trop près des fumerolles et marmites de boue : rien n’est balisé et la croute supérieure de terre peut céder.
La température des fumeroles de Moutnovsky atteint parfois 1000 C°. Les fumeroles du volcan Moutnovsky sont parmi les plus puissantes du monde. Pendant la montée, vous verrez certainement une grande croix tombale qui domine la vallée… je connais l’histoire je n’ai pas envie de vous effrayer davantage.
Si vous continuez vers le cratère actif – ce qui vous prendra environ 1 heure de plus – vous passerez à côté du lac, un cratère souvent rempli d’eau bleue.
Pour le terminus, il faut grimper à l’aide d’une corde accrochée par une bonne âme.
Et voilà la récompense : pouvoir rester assis sur les parois abruptes du cratère actif qui fume, gigote, respire, tousse…
Chez moi, ce moment s’associe avec le goût et l’arôme de la pomme verte. La toute première ascension dite de « repérage » à partir de la Station Géothermale était difficile et nous avions vite épuisé nos provisions. Il me restait une pomme que je me suis interdite de manger. Je n’avais plus d’eau et je me demandais par moment si j’allais y arriver. C’était aussi une époque où j’étais fortement diminuée physiquement… alors cette grimpette avait un sens particulier pour moi. En serrant les dents et enfonçant les ongles dans la pomme cachée dans ma poche j’ai continué. Ces 10-15 minutes là-haut, le temps de manger ma pomme je m’en souviens encore.
Le trognon aurait été lancé avec satisfaction si je n’avais pas aussi faim ! Je l’ai avalé avec tous ses pépins. Il est fortement déconseillé de rester trop longtemps sur les parois du cratère. En absence de vent, vous pourriez vous faire empoisonner par des gaz toxiques comme le dioxyde de carbone ou l’hydrogène sulfuré. Au retour, nous nous sommes arrêtés près du Canyon Opasny (Dangereux) dont la profondeur atteint 120 mètres et qui abrite une chute d’eau de 80 mètres alimentée la rivière Volcannaya.
Le nom du volcan Moutnovsky du Kamtchatka signifie « trouble ». Tantôt boueux, tantôt obscur, il ne vous laissera pas sans émotion. N’est-ce pas ce que nous recherchons tous, l’émotion ? Supérieure à la satisfaction, elle reste … elle nourrit, elle inspire…
L’ascension au volcan Moutnovsky au Kamtchatka est une expérience qu’il faut absolument tenter. Si vous n’êtes pas sûr de vous, il faut essayer malgré tout. Au pire l’un de nos guides vous raccompagnera au camp de base. J’ai voulu absolument l’inclure dans notre programme « Opéra sauvage » parce qu’au delà d’être une belle randonnée, le volcan Moutnovsky s’est forgé une réputation comparable à la Vallée des geysers grâce à ses fumeroles, ses marmites de boue et ses petits geysers. Rentrer dans l’antre du volcan, sentir l‘odeur du souffre restera sans doute un épisode mémorable de votre voyage au Kamtchatka. L’ascension au volcan Moutnovsky du Kamtchatka est l’un de plus pratiqués et fait naturellement partie de notre programme « Opéra sauvage ».
Julia Snegur
Julia, diplômée en sociologie et en géopolitique, grande voyageuse, notre chère collègue et responsable de la communication
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