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This is Kamchatka, baby…

14 octobre 2017
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Voulez-vous faire un voyage sur Mars? Le massif volcanique de Tolbachik (prononcé Tolbatchik) appartenant au groupe du volcan Klutchevskoï est l’un des sites sensationnels du Kamtchatka. Il présente un sommet pointu (Ostry Tolbachik, stratovolcan au sommet glacé) culminant à 3 682 m, qui masque sa partie active au cratère tout plat, le Plosky Tolbachik. La route – ou plutôt la piste – qui mène vers Tolbachik est longue et difficile. D’abord à travers la forêt, ensuite la toundra, pour finir par le désert des tonnes de roche volcanique. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Absolument ! Quand la météo est clémente, le Tolbachik, étrange et beau, se fait lunaire…Fabuleux…Le Kamtchatka est un rêve !

Depuis 1740, date des premiers écrits sur la région, le Tolbachik est entré en éruption au moins 31 fois.

La plus importante dura plus d’un an, du 6 juillet 1975 au 10 décembre 1976, à 14 km au sud du cratère principal et 900 m d’altitude. Elle fut marquée par de spectaculaires fontaines de lave jusqu’à la mi-septembre et l’apparition de 3 cônes juxtaposés. Avant la toute récente éruption de 2012, les voyageurs Nord Espaces de l’Opéra Sauvage passaient plusieurs nuits au Tolbachik dans l’ancienne base des volcanologues « Leningradskay » qui fut aussi la base logistique des essais du premier engin mobile soviétique pour la surface lunaire « Lounokhod » à la fin des années 70 (celui qui marche sur la Lune). Mais la coulée de lave de Plosky Tolbachik a englouti à jamais notre cabane.

Cette année 2017, tôt le matin, nous embarquons à bord de notre KAMAZ, un puissant 6×6 pour environ 4 heures de route. Ce type de transport est utilisé dans le Grand Nord et en Antarctique où le but est non pas d’aller vite mais d’arriver sain et sauf : approcher les volcans actifs du Kamtchatka se mérite. Rien n’est prévu ici pour faciliter la vie des touristes, à commencer par une route très difficile. La piste est pratiquement invisible de l’air et au début de notre aventure, nous avançons comme dans un tunnel vert. La route est bien meilleure que l’année dernière : la boue gluante au point que même le KAMAZ s’embourbait, semble sèche cette fois-ci. Mais malgré tout, nous aurons notre dose de stress routier…comme tous les ans…c’est le Kamtchatka… Far East…

L’ambiance change dès que nous quittons la toundra : la terre devient noire ; le sable volcanique la remplace aussitôt.

Des espaces immenses, vallonnés, parsemés de gros morceaux de roche volcanique aux contours déchirés sont étonnants. Pas d’animaux, ni même d’oiseaux, mais parfois une touffe d’herbe verte, voire une fleur. Quelle audace ! C’est fantastique, je dirais même plus c’est astronomique ! Le Kamtchatka avec son Tolbatchik est une autre planète. Lune c’est trop banal, trop petit, trop près. Je me crois au moins sur Mars avec ces volcans mystérieux et la brume qui rôde autour.

2ème cône des nouveaux volcans de Tolbachik

Nous avons prévu d’effectuer l’ascension du deuxième cône des nouveaux volcans de Tolbachik, qui s’est formé suite à l’éruption de 1975. Le cratère de ce nouveau volcan du Kamtchatka a une forme de fer de cheval avec des parois effondrées du côté ouest. C’est par là que la lave est sortie. L’ascension n’est pas difficile et nous découvrirons bientôt un véritable laboratoire en plein air.

Des « bombes volcaniques » d’âges variés, ces formations très spécifiques étudiées par les volcanologues, des pierres de toutes les couleurs, l’odeur du soufre, la chaleur du vent et la fournaise de la terre : il suffit d’enfoncer une branche dans n’importe quel trou entre les pierres pour qu’elle s’enflamme. La vue qui s’offre à nous est à couper le souffle : la vallée de Tolbachik compte plusieurs cônes, de hauteur et de formes différentes dont les teintes virent parfois au rouge bordeau. Ces dernières années le sable volcanique de la vallée se couvre de plus en plus par une sorte de mousse vert-jaune intense.

 

Ici le ciel du Kamtchatka comporte mille et une nuances de bleu et, tout au loin, la forêt verte, prise comme d’habitude dans une légère brume, prend une couleur pastel.

Le brouillard arrive au début comme une légère vapeur timide et rapidement devient plus épais, plus déterminé, plus agressif.

J’ordonne à tout le monde de rester groupé et nos deux guides de montagnes locaux sécurisent le périmètre. Très vite on ne voit plus rien. Ce qu’il faut savoir c’est qu’en cas de brouillard subit comme celui que nous connaissons, il suffit généralement tout simplement attendre un peu : le brouillard se dissipe progressivement.

Cette fois, je ne m’assieds pas en attendant que ce moment passe : je reste debout parce que je tiens à mon pantalon ; les pierres sont recouvertes d’une fine pellicule acide et les tissus n’apprécient pas du tout ce contact. Dans le même esprit je précise à mes compagnes et compagnons de voyage que s’ils veulent ramasser des pierres, il vaut mieux les envelopper d’abord dans un papier avant de mettre en poche. Le brouillard ne tarde pas à partir et je retrouve de nouveau la vue qui m’hypnotise tant.

La forêt morte du Tolbachik

Après une prudente descente et nous prenons la direction de la forêt morte. Durant le trajet, l’épave d’un hélicoptère enfoncé dans le sable et dont seule la partie arrière émerge désormais fait marcher l’imagination de tout le monde.

Bien qu’il y en a d’autres au Kamtchatka, cette forêt morte est digne d’un décor de tournage du cinéma et comblerait le plus exigeant des réalisateurs. En soi, c’est une désolation : une forêt entière assassinée par le volcan. Elle n’a pas été recouverte par la lave comme l’ancienne base volcanologique. Le bois n’est pas pétrifié, mais la chaleur du nuage projeté par le volcan a brûlé toutes les feuilles et la cendre a étouffé les racines enterrées sous plusieurs mètres. Ce qui fait que les troncs sont bien enfoncés, bien droits, bien secs, polis par le vent, la pluie et le soleil et parfaitement morts. Mais étrangement j’entends autour de moi « C’est magnifique ! » La Nature a toujours raison ; elle a toujours le droit et elle n’a pas de compte à rendre. Elle a la jouissance de cette liberté d’être, que nous ne connaissons plus…

La coulée de lave de 2012 

Et voilà maintenant, une récente coulée de lave, où les scientifiques russes découvrirent des diamants. Celle que nous avons observé depuis l’hélicoptère en 2013 avec des foyers rouges et fumants.

Nos pilotes nous ont déposé quelques instants juste à côté. Cette année, la lave est parfaitement sèche : plus de fumée, ni d’odeur, ni de chaleur insoutenable. Les fragments de la lave à cordes rappellent à certains leurs autres expériences volcaniques.

Cette coulée noire jusqu’à perte de vue a tout brûlé tout sur son passage, y compris notre cabane et, accrochée à un clou solitaire, ma lampe frontale oubliée lors du voyage qui a précédé l’éruption que les volcanologues prédisaient ; elle a aussi fondu notre poêle, tout détruit … et j’entends de nouveau « C’est magnifique !». Nous sommes tous comme des enfants devant la force autant destructrice que créatrice de la Nature du Kamtchatka.

A l’aller comme au retour nous traversons la rivière alimentée par la fonte des glaciers, toujours plus animée en soirée à cause de la quantité d’eau qui dégèle au soleil ; et voilà le dernier cadeau de la journée : les deux cônes des volcans apparaissent à nos yeux éblouis, comme accrochés au ciel…

ΩΩΩ

De retour au village, je vois sur le bord de la route 4 étrangers. Les étrangers sont aussi faciles à repérer au Kamtchatka que les touristes russes à Paris. Je demande à Volodia de s’arrêter au dernier moment. Notre calèche de 300 chevaux pesant plus de 10 tonnes s’arrête « un peu » brutalement, prise dans un immense nuage de poussière blanche parfaitement identique à un épais brouillard. Les amateurs de Paris -Dakar auraient été en extase. J’entends une voix en détresse qui en émerge : « Do you speak english ? »

Ce sont 4 jeunes israéliens, qui ont décidé de prolonger leurs vacances après un voyage organisé parce qu’ils avaient envie de voir cette merveille de Tolbachik. Ils ont réussi à venir jusqu’ici et tentent maintenant de trouver quelqu’un qui pourrait les amener au Tolbachik. Nous en revenons, donc ce n’est pas possible et je sais combien il est difficile de trouver un véhicule disponible en faisant de auto-stop. C’est même absurde étant 4 personnes, plus équipement. « Depuis combien de temps vous cherchez ? Vous ne trouvez vraiment personne ? »

La réponse me laisse perplexe : « c’est cher ! Nous sommes prêts à payer mais un prix raisonnable, et, eux, ils nous demandent le même prix que nous avons payé pour venir ici en avion ! »

« This is Kamchatka, baby »… j’ai failli lui dire…  Je me suis demandé s’ils imaginaient un peu ce que c’est la piste enterrée sous 3 mètres de neige en hiver, praticable pendant 3 mois par an, la durée du trajet, le coût en carburant, l’absence permanente de certitude et tous les aléas, les détours et le passage obligatoire au garage pour le chauffeur avant et après, des réparations sérieuses pour certains et plein d’autres choses qui font la réalité de l’économie locale.

Voir le volcan Tolbatchik lors de votre voyage au Kamtchatka est indispensable. La piste est pénible mais ça vaut le coup de souffrir pour vivre un dépaysement de cette puissance. Voilà pourquoi, sauf pour des raisons de sécurité évidentes, le volcan Tolbatchik fera toujours partie de notre programme « Opéra sauvage », le plus complet et le plus complexe proposé aux voyageurs désirant découvrir la terre du Kamtchatka dans son ensemble du nord au sud. Article précédent Ours du lac Kourile.

  • kamtchatka
  • Russie

Julia Snegur

Julia, diplômée en sociologie et en géopolitique, grande voyageuse, notre chère collègue et responsable de la communication

A propos de l'auteur

Julia Snegur

Julia, diplômée en sociologie et en géopolitique, grande voyageuse, notre chère collègue et responsable de la communication

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