Les Sami sont reconnus comme le seul peuple indigène – ou autochtone – de l’Union Européenne. Les Nations Unies désignent ainsi les peuples « descendants de ceux qui habitaient dans un pays ou une région géographique à l’époque où des groupes de population de cultures ou d’origines ethniques différentes y sont arrivés et sont devenus par la suite prédominants, par la conquête, l’occupation, la colonisation ou d’autres moyens ». Ces peuples doivent se définir eux-mêmes comme indigènes et préserver au moins certaines de leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques, quels que soient les statuts légaux de celles-ci. On compte selon les définitions de 60 000 à 100 000 Sami, vivant majoritairement en Norvège, mais aussi en Suède, Finlande et sur la péninsule de Kola en Russie. Notamment en Laponie, région du nord de la Fennoscandie.
En Finlande, on trouve les premières traces de présence humaine au sud-est du pays. Elles datent d’environ 10 500 ans, soit la fin de la dernière période glaciaire. Avec la fonte des glaciers s’amorçant sur les côtes et gagnant progressivement l’intérieur des terres, le soleil réchauffa le sol et permit la pousse de végétaux. Cela attira d’abord les animaux, puis des populations en provenance des territoires actuels de Norvège et Russie, le génome des Sami suggérant une lointaine parenté avec l’ethnie turque des Iakoutes vivant en Sibérie orientale. Ces peuples nomades s’abritaient du climat arctique sous des tentes ou des abris creusés dans le sol, recouverts de mottes de tourbe, de peaux ou de lamelles d’écorce de bouleau. Les Sami vivaient de ce que la nature leur offrait, vendant jusqu’en Europe central les produits de leurs chasses, de leurs pêches et de l’élevage des rennes semi-sauvages, à la viande riche en minéraux et très maigre. Ils s’alimentaient aussi d’oiseaux et de baies. Les familles et clans étaient organisés en « siidas » (villages traditionnels) dont le réseau couvrait tout le nord de la Fennoscandie. Au 17e siècle, les royaumes de Suède et du Danemark entreprirent de coloniser les terres les plus septentrionales du continent. Peu à peu, des frontières furent tracées, de nouvelles populations s’installèrent, les terres furent redistribuées. L’évangélisation forcée prit souvent un tour dramatique, au point que le chamanisme traditionnel reste en partie tabou aujourd’hui. A partir du 19e siècle, les Etats nordiques menèrent des politiques d’assimilation des Sami. En Finlande, relevant désormais des lois nationales, ils intégrèrent l’économie et le système scolaire mis en place par le pouvoir central. Beaucoup y perdirent leur culture.
Si l’on peut dater de la toute fin du 19e siècle le réveil identitaire des Sami, ce n’est qu’au cours de la seconde moitié du 20e siècle qu’ils obtinrent le statut de nation à part entière. En Finlande, la reconnaissance vint dans les années 1970, liée à la question de la protection des zones pastorales menacées notamment par l’exploitation agricole et minière. Depuis 1995, la Constitution finlandaise reconnait aux Sami le droit de préserver et développer l’usage de leur langue – notamment au niveau administratif – ainsi que leur culture et mode de vie traditionnel. Le Territoire Sami comprend officiellement les municipalités d’Enontekiö, Inari et Utsjoki, ainsi que le district d’élevage de rennes de la municipalité de Sodankylä. Depuis 1996, un Parlement Sami – dont les 21 membres sont renouvelés tous les 4 ans – gère sur ce Territoire les questions de langues et de culture. Certains villages ont une compétence administrative spécifique.
En Finlande, un Sami est officiellement celui qui se considère comme tel et dont la langue maternelle est le same, ou dont l’un au moins des parents ou grands-parents est de langue maternelle same. On compte selon cette définition environ 10 000 Sami en Finlande, dont plus de 60 % vivent désormais en dehors du Territoire, ce qui pose de nombreux défis culturels. Aujourd’hui, 76 % des Sami ont en effet une autre langue maternelle que le same. Cette identité est désormais convoitée, même si le racisme sous-jacent n’a pas entièrement disparu, la plupart des citadins ne connaissant pas vraiment le Grand Nord.
Les modes de vie traditionnels reposent toujours sur l’élevage de rennes, la pêche, la chasse, l’agriculture à petite échelle et l’artisanat. Il est courant aujourd’hui de leur associer le tourisme ou une autre activité de service. De nombreux Sami travaillent loin de la nature et les activités traditionnelles ont un poids économique modeste, mais elles conservent une grande importance culturelle.
Les huit saisons du calendrier sami correspondent en partie aux phases de l’élevage du renne : mise-bas, marquage, comptage, castration et abattage. La plus belle est la très courte « ruska », l’été indien de Laponie ! Les rennes se nourrissant de champignons, de lichens et d’herbes, identifier les bons pâturages sous la neige demande aux éleveurs un savoir interdisciplinaire en chimie, physique, botanique et météo. Leurs besoins en grands espaces contrarient toujours les intérêts agricoles et miniers, la préservation de la pêche traditionnelle se faisant parfois au détriment de la pêche récréative, donc du tourisme. Et le réchauffement climatique, très marqué dans le Grand Nord, est propice à l’émergence d’une conscience écologique renouvelée chez certains éleveurs. Les motos, quads, scooters des neiges, camions et hélicoptères étant néfastes pour l’environnement, ils utilisent aujourd’hui des drones pour surveiller les troupeaux dans les zones reculées.
Le same est une langue finno-ougrienne très riche. Il existe par exemple plus d’une centaine de termes pour désigner la neige. Mais si les termes descriptifs abondent, il n’y a pas de genre : le pronom personnel « son » s’utilise indifféremment pour un homme ou une femme, désignant aussi bien un animal qu’un objet. Avec environ 35 000 locuteurs, le same ne compte pas moins de neuf aires linguistiques – « langues » ou « dialectes » soumis à l’influence des langues nationales – dont trois en Finlande, où il est langue officielle. La municipalité d’Inari – 6 800 habitants – a ainsi quatre « langues » officielles : le finnois, le same d’Inari, le same Skolt et le same du Nord ! La loi stipule que les enfants vivant en Territoire Sami ont droit à une éducation primaire en same ; trois universités l’enseignent également.
Le costume sami est le symbole national le plus éminent. Cet ancien vêtement de travail est inspiré des habits portés au Moyen-Âge par la noblesse et les marchands d’Europe centrale.
Il a pour accessoires usuels une ceinture, des chaussures lacées, un châle ou un plastron, un faux col et un bonnet. Le vêtement et ses accessoires indiquent la région d’origine, le clan et le statut matrimonial du porteur. On trouve en Finlande cinq grandes variantes du costume sami, portées aujourd’hui pour les grandes occasions et volontiers par les jeunes. Si en Norvège et en Suède ce costume n’est porté que par les Sami, il est parfois détourné en Finlande à des fins commerciales, notamment touristiques, ce qui n’est bien sûr pas du goût de tout le monde… Le port de bijoux en argent a la même origine que le costume ; il chasserait les mauvais esprits. L’artisanat traditionnel (duodji) subordonne toujours l’esthétisme à la fonctionnalité, mais avec une ornementation raffinée. Il inclut les habits, outils, équipements de chasse et parures. Ses formes souvent douces, ses motifs et couleurs s’inspirent d’anciens objets du quotidien ; ses matériaux traditionnels sont la corne, l’os, le bois, l’étain, le cuir et le tissu. Les chaussures et les gants sami sont en peau de renne. Le label « Sámi Duodji » garantit l’authenticité de cet artisanat, qui depuis plusieurs décennies s’oriente aussi vers la production d’authentiques objets d’art. Jusqu’à la christianisation forcée, la cosmogonie dessinée sur la peau de renne du tambour des chamans faisait écho aux motifs peints sur la roche il y a plusieurs millénaires. L’art sami est aujourd’hui ouvert à toutes les influences contemporaines, la jeune génération se montrant particulièrement militante.
Le joik – ou luohti – est le chant traditionnel des Sami du Nord. Issu des traditions chamaniques, il fut longtemps interdit par les autorités car considéré comme une pratique païenne et barbare. Le joik se caractérise par son utilisation originale des tons, ses paroles méconnaissables, sa richesse rythmique et son improvisation. Il était à l’origine chanté a capella, parfois accompagné du tambour traditionnel. Il existe deux formes principales de joik : personnel et non-personnel. Le premier est censé refléter l’essence d’une personne par la mélodie et la gestuelle, les paroles étant de moindre importance. Des joiks sont aussi composés pour des animaux, des lieux et même aujourd’hui pour des objets comme les quads et motoneiges… Si les deux autres chants traditionnels sont menacés de disparition, on chante aujourd’hui en sami sur toutes les musiques contemporaines. Le Festival de Musique des Peuples Indigènes, Ijahis Idja, a lieu à Inari en août.
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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