La cryptozoologie est la « science des animaux cachés ». Elle repose sur l’étude de savoirs traditionnels, récits de témoins divers ou objets tangibles, supposés témoigner de l’existence d’êtres vivants non encore recensés par la science zoologique. Certes, on crut ainsi longtemps que la dent de narval, cétacé vivant dans l’océan Arctique, était l’unique corne d’une créature mi cheval, mi chèvre blanche… Mais quand l’imagination est contenue par la rigueur scientifique, la cryptozoologie obtient des résultats. Deux enquêtes de ce type permirent de conclure à l’existence probable de grands mammifères, découverts par la suite : l’okapi au Congo en 1901, le saola au Vietnam en 1993. La discipline révèle aussi tout l’édifice psychologique, culturel, sociologique et ethnographique construit autour de son bestiaire. Ses grands dossiers sont une invitation au voyage, teintée parfois de poésie.
Le grand serpent de mer
Le thème du serpent de mer en tant qu’animal réel prit forme surtout dans les pays scandinaves, à partir du XVIe siècle. Notamment avec les écrits d’Olaus Magnus au sujet d’un serpent amphibie monstrueux qui vivrait près de Bergen. Le rapport de Hans Egede, évêque du Groenland (1734) qui observa un animal marin inconnu, paraît plus factuel. L’auteur danois Erik Pontoppidan fut un des premiers en 1753 à publier une liste d’observations de cette mystérieuse créature. Plus près de nous, « Caddy » est un serpent de mer à tête d’aspect chevalin. Il est observé régulièrement depuis au moins les années 1930 dans la baie de Cadboro et les eaux avoisinantes, près de Vancouver en Colombie Britannique. Aucun spécimen échoué de serpent de mer ne fut jusqu’à présent jugé convaincant. Cela contraste avec le cas du calmar géant, très grand céphalopode dont l’existence fut longtemps considérée comme douteuse, voire fabuleuse, jusqu’à ce qu’une série d’échouages à Terre-Neuve, dans les années 1870, vienne donner la preuve irréfutable de son existence.
Le kraken des légendes scandinaves trouva ainsi en quelque sorte sa place dans la classification zoologique.
Les monstres lacustres
Bien des documents anciens, en général au caractère folklorique ou légendaire marqué, évoquent la présence d’un « monstre » dans le Loch Ness. L’histoire de Saint Columba, datée du VIème siècle, s’inscrit par exemple dans le thème fréquent du saint combattant un dragon. Mais à partir de 1933, le « monstre » est observé par de nombreux témoins. Parfois sur les rives, le plus souvent dans le lac : bosses, dos ou cou émergeant de l’eau, remous, vagues ou sillages inexpliqués, etc. Certains voient dans « Nessie » un plésiosaure, reptile aquatique au long cou, réputé disparu depuis le Crétacé.
Mais le lac, trop jeune, est exploré depuis longtemps sans succès. On recense des histoires semblables en Scandinavie, au Canada, aux Etats-Unis et jusqu’en Patagonie, où de nombreux lacs situés aux pieds des Andes sont supposés receler des monstres. Le zoo de Buenos Aires y envoya une expédition à la recherche d’un hypothétique plésiosaure dès 1922.
Les paresseux géants
Tous les paresseux géants – certains pesaient plusieurs tonnes – disparurent-ils à la fin de la dernière période glaciaire ? Au tournant du XXème siècle, la communauté scientifique se passionna pour des hypothèses de survie dans des régions reculées de Patagonie. En 1900, le quotidien britannique Daily Express y envoya même une expédition. Faute d’éléments tangibles, l’intérêt finit par retomber. Mais des rumeurs au sujet d’êtres mystérieux circulent toujours en Patagonie.
Les hommes sauvages
Type d’être non identifié peut-être le plus universel, l’homme sauvage est signalé sur tous les continents. Hors de la civilisation, utilisant au mieux un outillage très fruste, il ne possède pas le plus souvent de langage articulé. En Amérique du Nord, le bigfoot (aussi nommé sasquatch) est un très grand primate velu et bipède, qui hanterait notamment les vastes forêts de Colombie Britannique.
Outre le folklore amérindien, les premiers témoignages remontent au XIXème siècle. Le phénomène prit une grande ampleur à la fin des années 1950, avec des récits de rencontres et la découverte d’énormes empreintes de pas. En Europe, les données paléontologiques indiquent que l’homme de Neandertal disparut il y a environ 30 000 ans.
N’aurait-il pas pu survivre dans certaines régions reculées ? Des rumeurs et témoignages en ce sens proviennent d’une région s’étendant du Caucase à la Mongolie et au Pakistan. Mais les descriptions ne cadrent pas avec ce que nous savons aujourd’hui des Néandertaliens, qui n’étaient pas des brutes primitives ! Une autre espèce d’hominidé fut bien identifiée en 2010 dans la grotte de Denisova, au sud de la Sibérie. Mais elle est très probablement éteinte depuis 38 000 ans…
Éric Buffetaut, Directeur de Recherche émérite au CNRS, fait le point sur la discipline dans A la recherche des animaux mystérieux – Idées reçues sur la cryptozoologie, Le Cavalier Bleu, 2016, 155 p.
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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