Les murailles du château étaient faîtes de neige amassée par les vents, qui y avaient ensuite percé des portes et des fenêtres. Il y avait plus d’une centaine de salles immenses. La plus grande avait une longueur de plusieurs milles. Elles étaient éclairées par les feux de l’aurore boréale. Tout y brillait et scintillait. Mais quel vide et quel froid !
Jamais il ne se donnait de fêtes dans cette royale demeure. C’eût été chose facile pourtant que d’y convoquer pour un petit bal les ours blancs, qui, la tempête servant d’orchestre, auraient dansé des quadrilles dont la gravité décente eût été en harmonie avec la solennité du lieu. Jamais on ne laissait non plus entrer les renards blancs du voisinage ; jamais on ne permettait à leurs demoiselles de s’y réunir pour babiller et médire, comme cela se fait pourtant à la cour de bien des souverains. Non, tout était vaste et vide dans ce palais de la Reine des Neiges, et la lumière des aurores boréales qui augmentait, qui diminuait, qui augmentait de nouveau, toujours dans les mêmes proportions, était froide elle-même.
Dans la plus immense des salles, on voyait un lac entièrement gelé, dont la glace était fendue en des milliers et des milliers de morceaux ; ces morceaux étaient tous absolument semblables l’un à l’autre. Quand la Reine des Neiges habitait le palais, elle trônait au milieu de cette nappe de glace, qu’elle appelait le seul vrai miroir de l’intelligence.
La Reine des Neiges, Septième histoire (extrait), Hans Christian Andersen, 1844
– […] L’hiver est l’ami du Russe.
– Oui, Nadia, mais quel tempérament à toute épreuve il faut pour résister à une telle amitié ! J’ai vu souvent la température tomber dans les steppes sibériennes à plus de quarante degrés au-dessous de glace ! J’ai senti, malgré mon vêtement de peau de renne [Ce vêtement se nomme « dakha »: il est très léger et, cependant, absolument imperméable au froid], mon coeur se glacer, mes membres se tordre, mes pieds se geler sous leurs triples chaussettes de laine ! J’ai vu les chevaux de mon traîneau recouverts d’une carapace de glace, leur respiration figée aux naseaux ! J’ai vu l’eau-de-vie de ma gourde se changer en pierre dure que le couteau ne pouvait entamer !…
Mais mon traîneau filait comme l’ouragan ! Plus d’obstacles sur la plaine nivelée et blanche à perte de vue ! Plus de cours d’eau dont on est obligé de chercher les passages guéables ! Plus de lacs qu’il faut traverser en bateau ! Partout la glace dure, la route libre, le chemin assuré ! Mais au prix de quelles souffrances, Nadia ! Ceux-là seuls pourraient le dire, qui ne sont pas revenus, et dont le chasse-neige a bientôt recouvert les cadavres !
Michel Strogoff – De Moscou à Irkoutsk, Chapitre IX (extrait), Jules Verne, 1876
Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s’accouder aux nuits enchanteresses de l’hyperboréal.
Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l’hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre.Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.
Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées. Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.
Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m’êtes familiers…
La nuit remue, Henri Michaux, 1935
Sébastien
Sébastien, notre cher collègue est passionné de voyages et d’écriture, il contribue notamment à la communication de Nord Espaces.
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